Justice pour nos frères et sœurs autochtones

Sur un fond de conquête du Nouveau Monde.

Le gouvernement du Canada a été le maître d’œuvre, pendant plus d’un siècle, d’une vaste entreprise d’assimilation des peuples autochtones. Des hommes politiques canadiens ont volontairement fait enlever les enfants de leurs parents autochtones et les ont confinés dans des pensionnats gérés par des religieux, privant ainsi ces peuples de leurs jeunes pousses. Ils ont emprisonné ces enfants par milliers sur tout le territoire canadien; ils les ont empêchés pendant leur enfance et leur adolescence de voir et de communiquer avec leurs parents, rendant ainsi impossible la maîtrise de leur langue, la transmission de leurs coutumes et valeurs. En subissant un déracinement de leurs terres, on a porté atteinte à l’âme même de leurs cultures et on les a voués à la disparition.

J’y vois fondamentalement la poursuite de la conquête et de la prise de possession d’un grand et riche territoire, sous la noble devise « A mari usque ad mare », à laquelle ont participé nos ancêtres, par exemple nos voyageurs dans la récolte et le commerce des fourrures. Si les Blancs n’ont pas tous approuvé les actions des décideurs, ils y ont participé. Le plus grand nombre d’entre eux ont d’abord été asservis au pouvoir de la France, et de l’Angleterre par la suite. Une minorité de riches détenait le pouvoir économique, étendait son emprise sur le territoire déjà occupé par les autochtones et en exploitait les ressources à leur profit; la majorité du monde ordinaire besognait pour faire vivre leur famille, dans l’espoir d’accéder elle-même à une vie prospère.

La  perte du sens de l’autre

Des femmes et des hommes ont vu dans le puissant cadre des Églises chrétiennes un lieu où grandir et s’épanouir; ces religieux et religieuses appartenaient à toutes les couches sociales, riches comme pauvres, instruits ou pas. Ils avaient pour devise, eux, le service de Dieu et de leurs sœurs et frères humains. Mais, ils portaient dans leurs gènes la mentalité de conquérant et de possédant de leurs ancêtres, en dépit de leur profession de foi en Jésus le Nazaréen, prêcheur itinérant, jugé et condamné pour avoir porté atteinte aux pouvoirs politiques et religieux de son temps. Moi-même religieux pendant plus de six ans, je pense que ces hommes et ces femmes voulaient et pensaient bien faire et ont obéi à leurs supérieurs, l’obéissance étant présentée comme une haute vertu, évidemment par ceux qui dirigeaient.

Loin de moi la volonté d’amoindrir la responsabilité de ceux qui ont obéi aux ordres. Le fait est que tous les humains, dès leur plus jeune âge, apprennent de leurs aînés à faire le bien et le mal et, quand ils découvrent la domination sur les autres, le pouvoir des possessions ou l’agrément du plaisir sexuel, ils peuvent perdre le sens du bien et être corrompus. L’humain en eux faiblit jusqu’à disparaître. Ils ne voient plus dans les autres, comme dans le cas des Autochtones, que des gens inférieurs et incultes, à compter comme esclaves à utiliser à leurs fins personnelles et politiques. De penser qu’ils sont supérieurs aux autres, ça faire taire les scrupules de leur conscience et ça laisse libre cours à leurs plus sombres projets.  Avant d’en prendre conscience, ils auront fait énormément de mal et leurs gestes auront abouti à la mort de l’autre et non à son service, qu’ils voulaient ou pensaient vouloir au départ. Pour moi, c’est la racine du mal fait aux Autochtones.

De la difficulté de reconnaître nos fautes

Arrivé à ce point de ma réflexion, je n’ai pas qualifié les gestes commis à l’égard des Autochtones de racisme, ni de racisme systémique. On se querelle présentement, surtout entre gens de pouvoir et de savoir; peu de gens de la base utilisent ces mots. J’ai tendance à les trouver suspects. Les mots se terminant en -isme nous éloignent de la réalité; au départ, ils servent à cerner ou définir une réalité. Mais en même temps, on peut s’en servir pour cantonner l’autre dans une position adverse et mauvaise. J’ai rarement parlé en bien du capitalisme. Avez-vous déjà entendu parler en bien du communisme ou du socialisme ?  Pour moi, sous l’idée du multiculturalisme, se profile l’assimilation au grand tout canadien. En général, ce sont les autres qui sont racistes. Rectitude politique obligeant, on est prêt à impliquer toute une société dans le racisme systémique, mais surtout pas moi ou d’autres personnes. Pour moi, cette querelle de mots entre savants et puissants ne mène nulle part, retarde le dialogue et une authentique prise de conscience et, finalement, affaiblit la détermination de corriger notre agir et, si possible, de réparer nos erreurs.

En constatant les sévices psychologiques et physiques endurés par les Autochtones, en plus de la perte de leur culture, le gouvernement actuel du Canada doit reconnaître le mal causé par ses prédécesseurs, pour la guérison des Autochtones en premier, et ensuite pour que tous, Autochtones et Canadiens, deviennent ensemble de meilleurs humains, de meilleurs hommes et femmes politiques, de meilleurs citoyennes et citoyens. Je me permets de remarquer que notre prise conscience du mal fait aux populations autochtones coïncide avec l’accession croissante des femmes au pouvoir. Croyez-vous aux coïncidences ? Moi, pas. Un accident n’est pas une coïncidence. Il est souvent le résultat de plusieurs causes. Le réveil actuel des politiciens vis-à-vis les Autochtones n’en est pas une. Les femmes ont apporté plus d’humanité en politique. En leur compagnie et sous leur influence, les hommes deviennent plus humains. Il serait temps de proposer le principe de Jody. N’est-ce pas Jody Wilson-Raybould qui a écrit : « Indienne » au cabinet : dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir ? Pas encore lu, mais je m’en réjouirais.

Le gouvernement canadien a maltraité et causé les souffrances et la mort de nombreux Autochtones; les gouvernements provinciaux ont assisté impuissants à ses actions; les Églises y ont participé également en se faisant les instruments des politiques gouvernementales. Les membres des gouvernements et des Églises n’ont pas tous été d’accord avec ses politiques d’assimilation, mais par leur passivité et leur asservissement aux dirigeants, ils ont préféré fermer les yeux sur les gestes criminels et ont fait preuve d’indignité et d’injustice.

Pratiquer la justice conduit à être plus humain

Aujourd’hui, si nous condamnons les actions de nos prédécesseurs, nous devons aussi regarder notre propre agir vis-à-vis tous les humains de la planète. La vérité, c’est que nombre d’entre nous, à l’heure actuelle, individuellement ou collectivement, commettons à l’égard d’autres peuples et de notre mère la Terre des actes horribles, mais surtout injustes. L’horreur nous secoue, nous assourdit; l’injustice nous révolte et nous pousse à changer l’ordre des choses. L’horreur peut nous abattre moralement et nous pousser à la vengeance. La justice, seule, nous fait considérer l’autre comme notre égal et éventuellement comme notre compagne et notre compagnon.

Avec cette prise de conscience, qu’on en finisse avec les excuses et les demandes d’excuses à tout un chacun. D’ailleurs, à écouter certains représentants des Autochtones, c’est trop peu trop tard ! Vivement que vienne le temps de la reconstruction des ponts et la réconciliation. Quand tu considères l’autre comme ton égal, tu lui accordes les mêmes droits et les mêmes avantages. Laissons la justice nous inspirer et nous guider dans les bons gestes à poser. C’est tout un travail qui nous attend. Pour le moment, parlons-nous sans nous quereller, sans nous injurier, sans nous accuser les uns les autres. Écoutons-nous plutôt. Oui, écoutons le récit des souffrances des Autochtones; oui, reconnaissons que nous avons erré. Et, là, vous dans les hautes sphères du pouvoir, qui occupez tout l’espace médiatique, et vous les porte-parole qui raffolez des  -isme, je vous en prie, donnez l’exemple et mettez-vous donc au travail.

Michel Bourgault
Saint-Paul
30 septembre 2021
Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

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