4e dimanche du Carême B – Une fidélité déroutante…

Liturgie de la Parole
1ère lecture : 2 Ch 36,14-16.19-23
2e lecture : Ép 2,4-10
Évangile : Jn 3,14-21.
Lire ces textes

C’est la mi-Carême, le dimanche de la Joie… Une halte devant la croix, non pas l’instrument de supplice et de torture, mais la croix comme instrument de salut… La croix déjà transformée par Pâques… La croix qui dit l’Amour fou de Dieu et sa victoire sur les forces du mal. La croix comme un arbre, un arbre sur lequel meurt Jésus et renaît le Premier-né d’entre les morts. Un arbre qui porte fruit… l’arbre de la vie nouvelle.

Cette homélie a été donnée par l’abbé Raymond Gravel en mars 2006

1- L’extrait de l’évangile de Jean qu’on a aujourd’hui, c’est la suite de l’entretien avec Nicodème, où Jésus avait dit à ce notable juif que pour entrer dans le Royaume des cieux, il fallait renaître à nouveau : « À moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3,3). Et là, Nicodème ne comprend pas ce que le Jésus lui dit…Quelle est cette renaissance? Quelle est cette nouvelle naissance? Il dit à Jésus : « Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître? » (Jn 3,4). Et là, Jésus précise : « Nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume » (Jn 3,5). « Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jn 3,6).

Dans le fond, ce dialogue avec Nicodème nous amène à comprendre l’évangile d’aujourd’hui… C’est comme l’introduction à l’évangile d’aujourd’hui; et le verset qui sert de transition, c’est le v. 13 qui précède le début de l’évangile d’aujourd’hui : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3,13). Donc, si on lit l’événement après Pâques, on peut dire que pour monter au ciel, il a fallu que le Christ en descende… Mais, si on lit l’événement au moment où il se produit, dans la vie de Jésus de Nazareth, on devrait plutôt dire que Jésus, en étant élevé sur la croix, est devenu Christ, donc ressuscité par l’Esprit, rené de l’Esprit, d’où la renaissance, la vie nouvelle… Et la jonction se fait sur la croix qui est d’abord un symbole de souffrances et de mort, mais qui devient, à cause de Pâques, un arbre de vie, un symbole de renaissance et de vie.

2- L’exégète français Gérard Sindt dit : « Lorsqu’on regarde l’objet de nos délits et de nos tourments, nous sommes déjà à moitié guéris, parce que nous voyons en pleine lumière ce qui nous tue. » (Signes d’aujourd’hui # 93, 1991). Ce qui veut dire, que lorsqu’on regarde la croix, celle-ci nous révèle notre foi et notre non-foi. En d’autres mots, lever les yeux et regarder la croix, c’est faire la vérité sur nous-mêmes, car s’il y a quelqu’un sur la croix, c’est parce qu’il y a quelqu’un qui l’a mis dessus. Cette réalité n’est donc pas étrangère à ce que nous sommes. Contempler la croix, c’est y croire et c’est croire que par elle, le Christ nous a guéris, et nous a sauvés.

Ce n’est pas pour rien que saint Jean fait le parallèle du Christ en croix avec cette légende du serpent de bronze élevé dans le désert pour que les Israélites qui se faisaient mordre par un serpent, puisse recouvrer la santé en le regardant et en le contemplant. Il faut regarder le mal en pleine lumière, pour pouvoir en guérir. L’évangéliste dit donc que lorsque les humains regardent la croix et la contemplent, ils sont déjà sauvés : « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé sur la croix, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » (Jn 3,14b-15). Par ailleurs, le Christ n’est pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver (Jn 3,17). On n’a qu’à lever les yeux et à regarder la croix en pleine lumière. Mais, celui qui refuse de la voir, se juge lui-même en demeurant dans les ténèbres (Jn 3,18). (C’est très théologique!!!)

3- Mais pourquoi refuser de regarder la croix? Tout simplement, parce qu’elle nous renvoie à nous-mêmes, à nos limites, à nos pauvretés et à notre vulnérabilité. On voudrait passer par-dessus pour arriver à Pâques. Mais, c’est impossible, car la croix fait partie intégrante de nos vies et du mystère pascal. C’est pourquoi, dit saint Paul, en 2è lecture aujourd’hui, dans sa lettre aux Éphésiens : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Ép 2,8). Et il ajoute : « Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, qui nous a créés en Jésus Christ… » (Ép 2,9-10a).

4- En 1ère lecture aujourd’hui, nous avons une relecture de l’Exil, dans le livre des Chroniques et cette relecture cherche à expliquer, après coup, le pourquoi de l’Exil : Nabuchodonosor, roi de Babylone, avait conquis Jérusalem en 597 av. J.-C. Il mit en place un roi d’Israël qui s’appela Sédécias, qui veut dire « Yahvé est ma justice ». Mais ce roi s’intéressait beaucoup plus aux honneurs de son trône qu’à l’honneur de son peuple. Il a vécu à la même époque que le prophète Jérémie; il n’a pas écouté le prophète qui l’a mis en garde plus d’une fois… et même pire encore, puisqu’il s’est allié à l’Égypte contre son protecteur Babylone, et c’est pourquoi, 10 ans plus tard, en 586, Nabuchodonosor a envahi complètement Jérusalem, il a brûlé le temple, massacré les habitants, crevé les yeux du roi Sédécias et déporté la population israélite. Ce fut la désolation pendant 70 ans. Par ailleurs, l’auteur du livre des Chroniques dit que Dieu n’a jamais abandonné son peuple. Il n’y a pas de situation désespérée. Les Perses envahissent à leur tour Jérusalem et Cyrus, roi de Perse, va permettre aux Israélites de revenir chez eux et de reconstruire leur cité. Cyrus, un païen, a été vu comme le messie de Dieu…

En terminant, on est invité aujourd’hui, nous les chrétiens, à lever les yeux, à regarder la croix en pleine lumière… à faire la vérité sur nous-mêmes. Par la suite, à la contempler pour ce qu’elle est devenue : Un instrument de salut, et à nous laisser transformer par elle. N’oublions surtout pas, que dans l’évangile de Jean, « Faire la vérité », c’est synonyme « d’aimer »… Ce qui veut dire que reconnaître nos fragilités et nos pauvretés, c’est faire un premier pas vers l’Amour et l’Amour nous fait ressusciter, car c’est par Amour que Christ est mort et ressuscité… l’Amour nous fait ressembler à Dieu.

Bonne réflexion !

Raymond Gravel, ptre du diocèse de Joliette
décédé en août 2014

Biographie et témoignages sur Wikipedia

Image : Vitrail de la Passion, cathédrale de Chartres

Ce contenu a été publié dans Réflexions, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *